Depuis son diplôme à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris (1997), qu’il avait intitulé de façon prémonitoire “prétendument promenade“, François Durif se tient à une pratique d’écriture et continue d’interroger le statut de l’artiste et ses prérogatives.
Selon le contexte de l’exposition, ses textes prennent la forme d’un journal de travail, d’une lettre, d’un tract ou d’un poème. Ses promenades performées, quant à elles, s’apparentent davantage à des tentatives de littérature orale, entre improvisation et montage aléatoire de fragments de textes d’écrivains qui lui servent de points d’appui.
De ses expériences professionnelles en dehors du monde de l’art, c’est celle dans une agence parisienne de pompes funèbres L’Autre Rive (2005-2008) qui l’a le plus marqué, comme autant d’“épreuves-exorcismes“, pour reprendre le titre d’un livre d’Henri Michaux auquel il se réfère souvent.
Douze années se sont écoulées depuis son départ de L’Autre Rive et c’est comme s’il n’en avait pas fini d’en mesurer la portée dans sa vie quotidienne et sa pratique artistique. C’est en effet cette expérience dans les pompes funèbres qui l’a conduit ensuite à se tourner vers la performance, afin de retrouver une intensité semblable à celle des cérémonies laïques qu’il organisait avec les familles endeuillées.Cette résidence d’écrivain au Générateur – de septembre 2019 à juin 2020 – lui donne l’occasion de donner une forme au récit « après coup » de ces années pompes funèbres, en expérimentant une écriture fragmentaire, faite de réminiscences et de digressions.
C’est finalement la forme « journal » qui s’est imposée à lui durant les premiers mois de la résidence. C’est depuis son présent qu’il décide de mettre au jour des aspects méconnus de la vie d’un croquemort – figure aussi bien fictive que réelle, fabriquée qu’éprouvée dans la durée. Afin de s’ouvrir aux intensités qui le traversaient alors, il laisse venir tout ce qui vient, sans autocensure, au plus près des flux de pensée qui le parcourent au moment d’écrire ce vrai-faux journal d’un artiste dans l’habit d’un croquemort – d’un croquemort dans l’habit d’un artiste.
Si la conjonction « comme si » était l’outil qu’il avait choisi au départ pour s’éloigner d’un récit strictement autobiographique, c’est aujourd’hui le « ici remue » qui semble s’être emparé de lui dans le processus même d’écriture – en écho au lointain « ici repose » qui regarde chacun quand il se tient debout devant une tombe.
Chaque semaine, il publie des pages de son journal dans la revue en ligne remue.net – partenaire du Conseil Régional d’Île-de-France dans son programme de résidences d’écrivains.
📸 François Durif, performance Ici-Remue, février 2020 © Louis Rollinde